" Une réflexion sur le patrimoine végétal et son érosion "
La ville de Lunel (34) a créé il y a deux ans un arboretum dont l'objectif est, au-delà de proposer un espace vert de détente en plus pour les habitants, de montrer aux visiteurs les multiples facettes des arbres et arbustes à petits fruits et des habitudes alimentaires au fil des âges.
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C'est d'une conversation entre le maire, Claude Arnaud, et le personnel des services techniques, qu'est née l'idée, à Lunel (34), de choisir le thème des arbres et arbustes à petits fruits pour l'arboretum que la ville était en train de créer. La conversation tournait autour du jujube, ce fruit du Zyziphus jujuba, qui a un goût assez proche de la pomme, mais qui n'est plus guère consommé aujourd'hui. Une réflexion s'en est suivie sur le patrimoine végétal et sur l'érosion qu'il subit, tant en matière de présence sur le terrain que de connaissance. En effet, combien de jeunes savent que l'on peut manger ces fameux jujubes et savent les reconnaître sur l'arbre ? Les responsables techniques ont donc souhaité les faire redécouvrir. Cette méconnaissance a plusieurs explications comme le fait que l'habitude de ramasser ces fruits s'est perdue au fil des années, même pour ceux sachant qu'ils peuvent faire partie de notre alimentation. Mais aussi, la région est caractérisée depuis trente ans par un fort afflux de populations d'autres contrées de France, voire d'autres pays, qui ne maîtrisent pas les spécificités de la flore locale. Ils ignorent d'ailleurs à peu près tout de la garrigue, par exemple, ce maquis largement composé de chênes verts et kermès, salsepareilles ou lauriers-tins omniprésents autour de ces villes et villages méditerranéens... « Puisque nous voulions dédier 2 ha proches du centre-ville à la création d'un nouvel espace vert, que nous avions décidé d'en faire un arboretum, et que nous nous posions la question de la raison d'être de cet endroit, nous avions la réponse », se souvient Jean-Louis Maniez, directeur-adjoint des services techniques.
- De l'évolution des habitudes alimentaires au fil des âges. Ces réflexions remontent au début des années 2010, et c'est en 2011 que les travaux d'aménagement de l'arboretum ont commencés. Les terrains non bâtis qui avaient été retenus étaient situés dans le sud de la ville, proches du centre, et l'idée était d'en faire un parc pour les habitants de Lunel (25 000 concitoyens), mais aussi de la communauté de communes (45 000 âmes). Renforcer la présence des lieux de détente n'est jamais un luxe dans les agglomérations du Sud, marquées par des centres historiques très denses et aux rues étroites, et des périphéries fortement touchées par les politiques de lotissement qui se sont succédé à partir des années 1960. Mais les élus locaux voulaient aussi dynamiser une zone délaissée qui se trouve pourtant entre la ville et le canal qui la reliait autrefois à la Méditerranée, située à une quinzaine de kilomètres. Ilssouhaitaient enfin apporter un atout touristique supplémentaire. Les terrains appartenaient en partie à des particuliers. Il a fallu les racheter « en persuadant ces personnes que jamais ils ne deviendraient constructibles ». Ils étaient en partie arborés ; de grands pins ont été conservés. Enfin, le site étant contigu à la station d'épuration, certaines zones ont dû être dépolluées. Un travail de dessin de l'ensemble a été effectué avec des spécialistes de l'agriculture. Les plantations ont été réalisées en suivant une logique historique, le thème du site devenant « l'évolution des habitudes alimentaires au fil des âges ». Car la plupart des espèces à petits fruits (et les autres !) cultivées ici sont originaires de contrées lointaines et ont été importées au gré de l'histoire de la région.
- Valoriser les techniques les plus modernes de gestion des espaces verts. Des haies denses sur le pourtour de l'arboretum ont permis de l'isoler des zones urbanisées alentour, mais aussi de dessiner jusqu'au coeur du parc des « chambres » déclinant différentes époques, donc diverses ambiances où l'on retrouve des taxons adaptés.
Au fil de la visite, les amateurs ne découvrent pas que des végétaux : des techniques de gestion des espaces qui méritent encore d'être mieux connues (les paillages, avec, selon les zones, le recours aux copeaux de bois, à la pouzzolane ou au gravier, les techniques de plessage de bois, en particulier dans la partie réservée au Moyen Âge...) ont été valorisées. Les espaces sont séparés par des passages en pergolas couvertes de multiples grimpantes, et par des porches. Au centre du jardin, un coin détente avec bancs et point d'eau permet d'accueillir les groupes et les animations.
- Un intérêt qui va au-delà des plantes. Le site est ouvert à tous les publics, mais sa nature l'amène tout naturellement à se tourner vers les scolaires. Ils sont accueillis les mardis par l'animateur des lieux, Colin Souche. Un bâtiment situé à l'entrée, en forme d'arbre et couvert d'une toiture végétalisée, a été inauguré en 2014. Il met à disposition des élèves des sanitaires et des espaces de travail. Des projets pédagogiques ont été mis en place avec les écoles de la ville, dans le cadre des SVT (Sciences de la vie et de la Terre), mais aussi avec les écoles primaires. Globalement, les 13 écoles de la cité, tous niveaux confondus, sont intéressées pour venir découvrir le site. Une démarche de parrainage d'une espèce par une classe avait permis à certains jeunes de mener une réflexion particulière sur un taxon. Pour le reste, les familles peuvent y déambuler librement ou moyennant un paiement de 3 euros pour une visite guidée, en particulier les week-ends. Des opérations spéciales sont organisées régulièrement dans le cadre des Rendez-Vous aux jardins, ou bien des Journées du Patrimoine, voire en soirée, en été, pour la Nuit des étoiles, par exemple. C'est la zone de détente au centre de l'arboretum qui est alors investie. « L'été dernier, l'une de ces soirées a permis d'accueillir entre 200 et 300 personnes à la nuit tombée », explique Colin Souche. Un chiffre qui prouve que le lieu a un rôle qui va bien au-delà de la simple découverte des plantes...
Pascal Fayolle
Des haies denses sur le pourtour de l'arboretum ont permis de l'isoler des zones urbanisées alentour, mais aussi de dessiner jusqu'au coeur du parc des « chambres » déclinant différentes époques. PHOTO : A. ZELAZO
Technique de plessage du bois dans la zone du Moyen Âge. L'objectif est aussi de valoriser des techniques de gestion « tendance » des espaces verts. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
Le site est ouvert à tous les publics, mais sa nature l'amène tout naturellement à se tourner vers les scolaires. PHOTO : A. ZALAZO
L'habitude de ramasser certains fruits s'est perdue au fil des années même pour ceux qui savent qu'ils peuvent se consommer. PHOTO : C. SOUCHE
Un bâtiment situé à l'entrée du site, en forme d'arbre et couvert d'une toiture végétalisée, a été inauguré en 2014. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
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